jeudi 20 novembre 2014

Mes enfants n'ont pas peur du noir: un auteur est né!

Un premier texte, une metteure en scène de talent et une salle intime. La table est mise à Premier acte pour une pièce qui sort des sentiers battus. Pari réussi?

Une critique de Robert Boisclair


Le comédien, et maintenant auteur, Jean-Denis Beaudoin convie le spectateur dans l'intimité de la salle de Premier acte à découvir son premier texte. Cela est toujours inquiétant pour un auteur. Comment mon texte sera-t-il reçu? Les spectateurs vont-ils aimer? Ai-je touché le spectateur avec mon texte? Jean-Denis Beaudoin doit être rassuré aujourd'hui car un auteur est né. Le texte de Beaudoin est très bien maîtrisé dans un style qui n'est pas facile. Car ici, nous sommes dans le suspense psychologique. Un très beau texte avec une belle montée et un dénouement qui n'est pas nécessairement celui que l'on attendait même si, un moment, on le devine.

Plantons l'histoire. Nous sommes dans une cabane au fin fond de la forêt. Une mère dysfonctionnelle et deux frères, Joe et Will, toujours à couteaux tirés, y vivent. Alentour, quelques proches complètent leur univers. Sarah, l'amie de coeur de Joe, qui s'amène pour passer l'été auprès de son amoureux et Will, copain de Joe, qui s'incruste dans la maisonnée. L'arrivée de l'amie de coeur sera le déclencheur qui fera basculer le fragile équilibre familial.

En interview à l'émission de lundi Édith Patenaude, la metteure en scène, vantait les mérites du texte de Jean-Denis Beaudoin. Avec raison! Les scènes sont courtes, bien amenées. La tension psychologique est omniprésente et les personnages sont riches en émotion. Et ils sont attachants dans leur dysfonction. En grande partie à cause du texte bien sûr, mais également grâce aux performances des comédiens.

Si la première scène débute un peu dans la cacophonie, les comédiens précipitent quelque peu leur texte, tout se replace bien vite. Au-delà de ce faux-pas, de nervosité sans doute, les performances sont excellentes. Lise Castonguay brûle les planches avec son interprétation de la mère irresponsable qui cuve son vin pour oublié ce mari qui l'a planté avec deux enfants. Jean-Denis Beaudoin et Jocelyn Pelletier incarnent avec sincérité et conviction, ces frères empêtrés dans une relation amour-haine qui vire plus souvent à la haine qu'à l'amour. Un trio bien supporté par Maxime Beauregard, Laurie-Ève Gagnon et, dans un rôle effacé, Nicolas Létourneau.

La mise en scène d'Édith Patenaude ainsi que le décor et les éclairages de Jeff Labbé supportent admirablement bien le texte de Beaudoin. De par la mise en scène et la scénographie, le spectateur se retrouve à l'intérieur même de la forêt maudite où se jouera le drame. Des madriers de bois occupent l'ensemble de la scène, à l'exception de l'espace de la cabane. Cette forêt imaginaire s'invite dans l'espace spectateur, des madriers enserrant cet espace. Chaque spectateur devient un arbre de la forêt imaginaire et un observateur privilégié. Il est au première loge pour vivre le drame des protagonistes. Choix judicieux. S'ajoute à tout ça, une belle direction de comédiens. Le ton et le jeu sont réalistes et aucune performance ne jure dans cet amalgame de personnages hors de l'ordinaire.

Un spectacle qui sort des sentiers battus, une mise en scène adroite et un très beau texte de Beaudoin. Un spectacle qu'il faut voir pour s'immerger dans cette histoire peu banale.

En représentation à Premier acte jusqu'au 6 décembre. Avec Jean-Denis Beaudoin, Maxime Beauregard, Lise Castonguay, Laurie-Ève Gagnon, Nicolas Létourneau et Jocelyn Pelletier. Une mise en scène d'Édith Patenaude. Un texte de Jean-Denis Beaudoin.

Apprenez en plus sur ce spectacle en écoutant notre interview avec Édith Patenaude et Jean-Denis Beaudoin (au tout début de l'émission du 17 novembre).

Bon théâtre et bonne danse !

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