mercredi 11 février 2015

Le long voyage de Pierre-Guy B.: fascinant!

Ce n'est pas à un long voyage à travers le monde auquel nous convient Philippe Soldevila, Christina Essiambre et Pierre Guy Blanchard mais à une magnifique épopée intérieure. Voyage au coeur de l'être humain.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Gilles Landry

Au bout du rouleau, le musicien Pierre-Guy B., qui transportait sa musique à travers le monde, pose ses valises dans le petit patelin qui l'a vu naître, Charlo. Une petite maison perdue au milieu de nulle part mais avec une vue imprenable sur la mer, lui sert de refuge. Son ami Christian E. vient le visiter alors qu'il s'apprête à se marier. Rencontre de deux univers, de deux mondes mais, surtout, de deux amis aux univers diamétralement opposés mais que tout réunit.

En mode conte
Le décor est planté. Du côte jardin de la scène, que quelques accessoires. Une chaise, un micro ou deux. Un décor épuré. Bien rangé. Organisé. Planifié. Comme la vie de Christian E. qui occupera cet espace. Du côté cour, un capharnaüm occupé principalement par des instruments de musique, des systèmes de toutes sortes pour organiser la musique et des sons. Mais aussi par quelques meubles, de la bière et quelques boissons exotiques. Un univers qui transpire l'errance, la musique, la recherche constante voire la contestation. Comme la vie de Pierre-Guy B. qui occupera cet espace.

L'histoire débute alors que Pierre-Guy B. est en retrait dans son espace, son monde. Il erre sans doute. Christian E. invite le spectateur dans un conte qui l'amènera de Lévis à Charlo. Christian E. est fantastique dans ses nombreuses envolées. C'est un conteur hors-pair qui entraîne le spectateur dans 2, 3 ou même 4 histoires en même temps. Parfois, les personnages et les histoires se retrouvent dans la même phrase. Un petit exercice mental pour le spectateur qui n'est pas difficile du tout.  Christian E. ne perd pas le spectateur une seule seconde.

Pierre-Guy B. n'apparaît que partiellement pendant toute la première partie. Le conte que nous offre Christian E. est tellement fascinant que l'on a hâte de découvrir ce Pierre-Guy B. qui n'arrive que plus tard. Mais lorsque le spectateur découvre le personnage, il est totalement charmé. D'abord par le talent naturel de Pierre-Guy B. Ce musicien qui a fait de l'impro prouve à merveille qui il est dans son univers lorsqu'il est sur scène. C'est là qu'il s'éclate. Qu'il est heureux.

C'est également un musicien hors-pair. Chacune de ses prestations charme. Découvrir Pierre-Guy B. en concert doit être une expérience incroyable. Il n'effectue malheureusement que quelques prestations pendant le spectacle, qui se glissent à merveille dans la trame narrative et qui envoutent le spectateur. Le spectateur en demande bien plus. Comme le dit si bien Christian E., il a des mains extraordinaires et un talent fou.

Pierre-Guy B. est un personnage à la force brute mais fragile en même temps, qui se cache derrière ses instruments, sa musique. Un être d'une seule pièce qui ne fait aucun compromis. Il a des principes et s'y tient. Il ne les impose pas aux autres. Il les applique. À lui-même. Je suis persuadé que son entourage l'aime pour ce qu'il est, un être entier, aimant même s'il ne le dit pas toujours. Il l'exprime autrement.

Clash d'univers
La rencontre de Christian E. et de Pierre-Guy B. fait des étincelles. L'idéaliste, Pierre-Guy B. et le réaliste ou pragmatique Christian E. se côtoient, s'aiment, se détestent mais ils ont terriblement besoin l'un de l'autre. Ils sont l'antithèse l'un de l'autre. Chacun se nourrit de l'autre pour mieux se comprendre, s'apprivoiser et grandir. De ce clash, tous les deux grandissent merveilleusement.

C'est à un véritable voyage au coeur de l'humain que nous convient Philippe S., Pierre-Guy B. et Christian E. Un spectacle qui suscite le questionnement de nos propres vies et sur de grandes et petites questions de la vie. Dit-on toujours la vérité à nos proches? Qu'est-ce qui est superficiel? Qui suis-je vraiment?

Forme éclatée
Deux univers opposés demandaient une mise en scène éclatée. Et c'est ce que nous offre Philippe Soldevila et son équipe de concepteurs. Deux personnages clairement défini, une scénographie adaptée aux deux personnages, de la musique et des effets sonores en direct qui vont dans toutes les directions, et c'est parfait comme ça, des dialogues éclatés et punchés, des moments d'humour, d'autres plus touchants. Tout est là pour nous faire vivre les aventures et les émotions de nos deux personnages. On a l'impression d'être avec eux à Lévis, dans la cambuse de Charlo ou en voyage avec Pierre-Guy B.

Les éclairages semi-ombrés créent une merveilleuse intimité. Et puis, il y a ce naturel entre les comédiens. Ils ont gardé cette complicité, qui unit dans la vraie vie les comédiens, sur scène. Une accolade en début de spectacle. Un pouce en l'air à la fin. L'amitié brute dans toute sa splendeur. Au début. À la fin. Et tout au long du spectacle.

Fascinant!
Pierre-Guy B. est un être fascinant qu'il faut découvrir. Le long voyage de Pierre-Guy B. est un spectacle qu'il faut voir. Pour mille raisons. Je vous en ai donné quelques-unes. Courez acheter votre billet pour découvrir les autres.

Au Périscope jusqu'au 28 février. Avec Pierre Guy Blanchard et Christian Essiambre. Une mise en scène de Philippe Soldevila.

Apprenez en plus sur ce spectacle en écoutant notre interview avec Philippe Soldevila et Pierre Guy Blanchard (au début de l'émission du 2 février).

Bon théâtre et bonne danse !

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