samedi 26 octobre 2013

Théâtre: Trois questions à... Édith Patenaude

Trois questions à... est une série qui permet de découvrir, en trois questions, des artistes et des artisans du théâtre et de la danse qui aiment leur métier et le pratique au quotidien.

Par Robert Boisclair

Édith Patenaude est comédienne, auteure et metteure en scène.  Elle est co-fondatrice de la compagnie de création Les Écornifleuses.  En 2011, à titre de metteure en scène, elle dirige les comédiens du spectacle L'Absence de guerre qui reprend l'affiche dès le 5 novembre au Trident.  À l'occasion de la présentation de ce spectacle, Les Enfants du paradis lui posent trois questions.

1) Les Enfants du paradis: Pourquoi avoir mis en scène ce texte ?

Édith Patenaude: Je suis tombée sur ce texte par hasard, en cherchant quelque chose à monter avec la troupe du cégep de Limoilou. J'étais étonnée par cette fiction journalistique, genre très rare. J'ai finalement choisi de travailler L'Absence de guerre dans ce contexte, et je suis vraiment tomber amoureuse du texte. De son intelligence, de sa sensibilité, mais surtout de sa nécessité. Le théâtre québécois a été engagé pendant de nombreuses années, puis le rapport au social a été presque complètement évacué après le deuxième échec référendaire. Mais quand j'ai découvert cette oeuvre puissante de David Hare, il me semblait que quelque chose changeait dans les esprits, que le Québec avait à nouveau envie de se faire raconter comment être responsable de sa destinée collective, ou du moins redevenait curieux, ce qui est déjà énorme. Il m'apparaissait que si moi j'avais envie de me faire parler de démocratie, de cette grande machine formidable mais fatiguée, de me rappeler qu'en tant qu'électrice, je fais partie intégrante de l'immobilisme ou du mouvement, que je ne devais pas être la seule.

Et L'Absence de guerre nous offre la possibilité d'aller là où on ne va pas, de voir avec une immense humanité la réalité de la vie politique, ses contraintes terribles et ses grandes joies. J'ai été fascinée par ces individus sensibles, idéalistes, généreux, investis, et par l'impossibilité frustrante qu'ils vivent d'être transparents et passionnés en public comme dans l'intime. C'est un texte qui m'a emballée comme citoyenne et bouleversée comme femme, ce qui est extrêmement rare. 

2) Les Enfants du paradis: Votre mise en scène au Trident sera-t-elle très différente de celle de Premier acte ?

Édith Patenaude: La réflexion avait déjà été profonde à Premier Acte, et tous avaient travaillé à développer une véritable cohérence artistique. L'esprit reste donc le même, puisque nous étions heureux des décisions prises à Premier Acte. Nous profitons cependant de cette nouvelle mouture au Trident pour jouer le texte dans une traduction québécoise, ce qui veut dire que les comédiens ont la joie de jouer dans leur langue plutôt qu'en français international. Le texte pourra ainsi parvenir plus directement aux spectateurs.

Nous profitions aussi d'un espace agrandit, dans lequel nous continuons de créer de l'intimité avec les spectateurs, tout en nous donnant une belle liberté de mouvement. Plusieurs petits éléments changent, mais le coeur reste le même. Les spectateurs ayant déjà vu le spectacle auront tout de même un grand plaisir, parce que le jeu est si vivant, renouvelé chaque soir, les comédiens sont si généreux, qu'il est captivant de suivre leur parcours à chacun. Et comme l'action est frénétique, il est presque impossible de tout voir en une seule représentation. Je suis convaincue que personne ne s'ennuiera à revoir le spectacle. 

3) Les Enfants du paradis: Est-ce un spectacle que tout électeur devrait voir ?

Édith Patenaude: Absolument. Nous observons la politique de l'extérieur et sommes donc tenus à l'écart par de très nombreux filtres; ceux qu'imposent les médias ou les lignes de parti par exemple. Jamais nous n'avons accès à l'intérieur, à l'humanité, aux compromis faits uns à uns, mais qui finissent par s'additionner et édulcorer une personnalité vive. L'Absence de guerre offre de l'information privilégiée sur les jeux stratégiques, les luttes internes, les contrôles de l'image; mais aussi sur l'idéalisme et la bonne foi de la plupart des politiciens. Avoir la chance de les voir dans leur sensibilité, dans leur quotidien, est extrêmement touchant et révélateur. L'électeur peut mieux comprendre la machine démocratique dont il fait partie, et surtout, il a l'occasion d'être curieux. Et pour moi, la curiosité est un moteur formidable de changement, car il pousse à l'éducation et l'information. 

Bon théâtre et bonne danse !

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