samedi 11 janvier 2014

Critique: Le Chant de Sainte Carmen de la Main

René Richard Cyr et Daniel Bélanger se sont offerts une deuxième adaptation d'une pièce de Michel Tremblay en théâtre musical.  Pari réussi une deuxième fois !

Par Robert Boisclair

Le Chant de Sainte Carmen de la Main reprend la trame de Sainte Carmen de la Main, la pièce de Michel Tremblay.  Carmen est une chanteuse issue de la Main qui s'est exilé à Nashville pour perfectionner son art qui revient chanter sur cette Main qui l'adore.  Elle mourra pour avoir osé chanter la libération de la faune bigarrée qui peuple la Main.  La résistance de ceux qui dirigent la Main l'emportera sur la volonté de Carmen de libérer les poqués et les mal-aimés.

Le Chant de Sainte Carmen de la Main n'a pas la même transcendance musicale que Belles-soeurs, le précédent théâtral musical du duo Cyr/Bélanger.  Alors que la musique de Belles-soeurs transportait une forte dose d'espoir et de vitalité au drame des colleuses de timbres, celle du Chant est plus tragique, voire dramatique.  Une surenchère qui éclipse, un peu, la vague d'espoir que suscite Carmen et la fierté des poqués et des mal-aimés de la Main.  La musique n'en est pas moins enveloppante et vibrante.  Les pièces musicales d'ouverture et de fermeture sont à couper le souffle.  Toute la Main vibre dans ces deux pièces musicales.  Et nous aussi !

Cette musique et le choeur des poqués constituent presque entièrement la scénographie de la pièce.  On retrouve bien quelques accessoires et un mur lumineux mais ce sont le choeur et la musique qui constituent l'essentiel de la scénographie. Un choix qui m'agaçait quelque peu mais qui, au final, permettait de laisser toute la place au texte et au drame des personnages.  Des êtres lumineux, à leur manière, mais que l'on tente d'éteindre, de maintenir dans leur état.  Une scénographie qui reflétait bien cette situation.

Quelle belle idée que ce choeur des poqués.  Il donne une force insoupçonnée à la pièce de Tremblay.  L'espoir comme le désarroi de la faune bigarrée de la Main vibre au travers ce choeur.  La Main vit sous nos yeux.  Et elle nous chante son désespoir comme sa fierté par l'entremise du choeur.

Le Chant de Sainte Carmen de la Main ne serait pas un succès sans cette distribution de haut vol.  Une méga production de vingt et un artistes qui se donnent corps et âme sur scène.  Les protagonistes de drame, la merveilleuse et lumineuse Maude Guérin (Carmen), les deux faces du mal Tooth Pick et Maurice interprétés par Benoît McGinnis et Normand D'Amour, la rayonnante France Castel (Gloria) et la touchante Eveline Gélinas (Bec-de-lièvre) sont impeccables.  Appuyés par un très beau choeur bigarré et un quatuor de musiciens sur scène, ils offrent des performances remarquables.

Le Chant de Sainte Carmen de la Main
, c'est aussi un regard sur nous.  Écrite à l'été 1976, cette pièce était un cri d'espoir pour ce Québec en effervescence qui allait élire quelque mois plus tard un certain René Lévesque, porteur d'espoir.  Sainte Carmen et Saint René, même combat !  Le Québec d'aujourd'hui s'est-il fait écraser ou s'est-il libéré de ceux qui l'oppressaient ?  La question est toujours là, me semble-t-il.  Et elle est dans ce spectacle.  En filigrane, mais elle est bien là.

Un spectacle à voir pour ce regard sur nous ou pour l'oeuvre théâtrale tout court.

À la Salle Albert-Rousseau ce soir et les 17 et 18 janvier.  En tournée au Québec jusqu'en avril.  Avec Maude Guérin, Normand D'Amour, Eveline Gélinas, France Castel, Benoît McGinnis, Édith Arvisais, Frédérike Bédard, Normand Carrière, Simon Labelle-Ouimet, Michelle Labonté, Benoît Landry, Ève Landry, Maude Laperrière, Christian Laporte, Milène Leclerc, Bruno Marcil, Frédérik Zacharek, Renaud Gratton, Liu-Kong Ha, Josianne Hébert et Philippe Brault.  Livret, paroles et mise en scène de René Richard Cyr.  Musique de Daniel Bélanger.

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