jeudi 13 février 2014

Critique: Electronic City

Electronic City est un spectacle visuellement séduisant qui questionne notre relation au système économique d'aujourd'hui.  Un système surchargé d'information acheminée par voie électronique dans lequel l'homme et la femme se perdent un peu, beaucoup. 

Par Robert Boisclair

Tom est dans un aéroport ou un couloir, il ne sait trop où.  Son téléphone sonne.  C'est Joy, celle qu'il aime.  Elle est à l'autre bout du monde en panique.  Il n'a pas le temps de lui répondre, trop pressé de retrouver les coordonnées de son prochain vol.  Pris dans un système économique où ils doivent à tout pris jouer un rôle précis, ils tentent de se retrouver, de se croiser ne serait-ce qu'un seul instant.

Electronic City est une pièce à l'esthétisme résolument moderne.  Sur une scène dénudée, quelques caissons mobiles, des éclairages en demi-teintes, une musique électronique enrobante et la table est mise pour un spectacle qui plonge le spectateur dans un style peu courant au théâtre à Québec.  Le dédoublement multiple des deux seuls personnages de la pièce par huit comédiens qui passent d'un personnage à l'autre sans avertissement et un audacieux pari de la part de Jocelyn Pelletier.

Si cela ajoute au discours du texte, ce chamboulement des rôles sans avertissement complexifie le travail du spectateur qui essaie de suivre la trame de l'histoire.  D'autant que l'amour entre cet homme et cette femme, coincés dans un monde où il est impossible de se rencontrer physiquement devient mise en abyme alors que le spectateur est propulsé en plein coeur d'un tournage de cinéma (ou est-ce de télévision ?) de cette histoire d'amour.  Le spectateur peu attentif risque de s'y perdre facilement.

Tout cela sied bien à la vision de Jocelyn Pelletier qu'il décrivait comme suit: « Notre vision propulsera le spectateur vers une surcharge d’informations, d’images, de données, d’actions scéniques, où tout convergera vers le dépouillement total de l’homme, seul face à son semblable. Un retour vers l’organicité révélant la lumière ».  Un pari qu'il a réussi haut la main en cette matière.  Le rythme est rapide et à la vitesse des conversations électroniques saccadées que nous avons par l'entremise des médias sociaux, l'interprétation des comédiens est vive, les personnages et le décor se transforment et bougent constamment.  Tout cela concourt à surcharger d'informations, d'images, de données et d'actions scéniques le spectateur.  Cependant cette surcharge véhicule lourdement le message amplement présent dans le texte de Falk Richter.  Le texte transmettant bien le message, il n'était pas nécessaire d'en rajouter une couche.

Les comédiens sont excellents dans ces rôles démultipliées.  Il n'est pas facile de passer d'un personnage à l'autre sans faux pas et c'est, ma foi, fort bien réussi par cette jeune distribution.  Une belle brochette de comédiens, tous très talentueux qui performent magnifiquement bien.  Toujours à-propos, la musique d'Uberko enrobe bien ce spectacle.

Electronic City est un spectacle visuellement séduisant qui ouvre une fenêtre sur le théâtre moderne allemand qui se pointe le nez peu souvent à Québec.  Allez voir le spectacle pour découvrir un esthétisme et un style de théâtre que l'on n'a pas l'occasion de voir souvent à Québec.

Au Périscope jusqu'au 1e mars. Avec Jean-Michel Déry, Gabriel Fournier, Eliot Laprise, Jean-René Moisan, Laurie-Ève Gagnon, Joanie Lehoux, Noémie O'Farrell et Alexandrine Warren.  Un texte de Falk Richter. Une mise en scène de Jocelyn Pelletier.

Apprenez en plus sur ce spectacle en écoutant notre interview avec Eliot Laprise et Jocelyn Pelletier (vers la vingtième minutes de l'émission du 3 février) ou partez à la découverte de l'univers multimédia de la pièce ici.

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