mercredi 11 mars 2015

Disparaître ici: mal-être

Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier proposent un spectacle inspiré de l'oeuvre de Bret Easton Ellis: sombre, morbide et meublé du mal-être des protagonistes. Les amateurs du genre se régaleront, les autres sans doute un peu moins.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Charles Fleury

Dix amis, jeunes, beaux et égocentriques, vivent leurs plaisirs et traînent leur mal-être de bar en bar, de party en party. Les plaisirs sont immédiats et facilement accessibles. Tout va rondement jusqu'à ce que l'un d'entre eux disparaisse. Ou peut-être pas. Le réel et le fictif se mélangent, s'entremêlent. Les couples, les amitiés éclatent.

Représentation d'univers sombres
Les protagonistes sont des êtres vides. La séduction et le paraître sont les maîtres-mots. Pas de sentimentalité. Ils vivent le moment présent dans l'émotion forte. Le sexe, l'alcool et la drogue meublent leur soirée. Leur univers est sombre. Ils sont des psychopathes. À leur manière. Sans véritable lumière. Ou peut-être un peu. C'est cet univers des trentenaires que dépeignent les auteurs et metteurs en scène Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier.

La première partie du spectacle nous offre cet univers, ce mode de vie des protagonistes. Le ton est provocateur et les mots sont crus. Oreilles chastes s'abstenir. Nous découvrons pendant de longues minutes, une série de monologues qui décrivent le vide de leur existence. Si le procédé a l'avantage de bien faire comprendre les états d'âmes, il est répétitif et passablement long. Malgré la noirceur de ces univers, des parcelles d'humour s'y glissent ici et là.

La deuxième partie entraîne le spectateur dans un brouillard cauchemardesque, les mots sont des auteurs et metteurs en scène. La réception d'une vidéo virale montrant le viol d'une jeune femme chamboule l'ambiance. La violée est-elle une des amies du groupe? Ou peut-être pas. Le réel et le fictif se mélangent. Les personnages sombrent. Dans un cauchemar. Le brouillard est total. Patenaude et Pelletier proposent une image de la déchéance totale. Afin de mieux s'en sortir? De l'exorciser? Le duo semble proposer qu'il faille atteindre le fond pour s'en extirper et trouver une nouvelle voie. Une nouvelle façon d'exister.

Crédit photo: Charles Fleury

Lumineuse scénographie
La scénographie est magnifique. Tout est en clair obscur et dépeint merveilleusement bien l'univers sordide dans lequel s'enfonce les personnages. La chute n'en est que plus vertigineuse.

Les accessoires sont peu nombreux. Quelques chaises, de longs rideaux transparents et quelques meubles que l'on déplace au gré des scènes. Toute la place est laissé au vide de leur existence. Ces êtres si imbus d'eux-mêmes occupent donc toute la scène. Mais pour exister, l'autre doit y être aussi. C'est sans doute pourquoi, les protagonistes sont presque toujours en scène en même temps. Son existence, si égocentrique soit-elle, ne peut se justifier que par la présence de l'autre. Et la scénographie simple, l'éclairage en clair obscur et la musique jouent un rôle crucial dans la mise en lumière de cet égocentrisme et du mal-être des personnages.

Portrait acide
Disparaître ici propose un portrait acide des trentenaires d'aujourd'hui. Un spectacle audacieux qui plonge dans la douleur d'une génération entière. Les trentenaires s'y reconnaîtront. Les autres découvriront un univers qui leur est totalement inconnu. Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier, tout comme les comédiens, plongent avec audace dans un spectacle qui sort des sentiers battus. Si la recette n'est pas parfaite, loin de là, le spectacle vaut tout de même le déplacement. Parce qu'il y a malgré tout une lueur d'espoir. Plonger au plus profond de soi permet, aussi, d'y découvrir des parts de lumière. Et c'est ce que l'on découvre en filigrane à la toute fin de la pièce.

Crédit photo: Charles Fleury

Au Périscope jusqu'au 28 mars. Avec Caroline B. Boudreau, Philippe Durocher, Gabriel Fournier, Laurie-Ève Gagnon, Marie-Hélène Lalande, Joanie Lehoux, Valérie Marquis, Guillaume Perreault, Lucien Ratio et Alexandrine Warren. Un texte et une mise en scène de Jocelyn Pelletier et Édith Patenaude.

Bon théâtre et bonne danse !

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