vendredi 17 avril 2015

La chatte sur un toit brûlant: envoûtant!

Avec une magnifique distribution, Maxime Robin orchestre magnifiquement la crise qui secoue la famille Pollitt, traversée d'éclats d'humour grinçant.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Un soir d'été, la famille Pollitt fête les 65 ans de Big Daddy, le patriarche de la famille, dans une belle demeure du delta du Mississippi. Brick, le fils préféré et ancien champion sportif, hanté par le suicide de son meilleur ami s'assomme de whisky et délaisse sa femme, la belle et sensuelle Maggie, qui lutte de toutes ses forces pour sauver son couple. Gooper, le fils mal-aimé et père d'une marmaille bruyante, convoite, en compagnie de sa pondeuse de femme, l'héritage du patriarche atteint d'un cancer généralisé. Big Daddy va mourir mais il ne le sait pas encore. Le soir est à l'orage au sens propre comme au sens figuré.

Quelle ambiance!
Dès son arrivée dans le théâtre, le spectateur est happé par le spectacle. La famille Pollitt est attablée dans le hall, dégustant son repas ou déambulant au milieu des spectateurs qui découvrent les personnages et peuvent même s'offrir une conversation. Le spectateur n'est plus que spectateur, il est dans la plantation avec la famille Pollitt.

Dès son entrée dans la salle, il découvre la résidence principale de la famille, immense construction qui occupe tout le centre de la scène. En fond de scène, une toile géante plante le décor environnant la résidence. Tout au long de la pièce, il y sera projeté différents éléments qui transporteront le spectateur au coeur même de la chaleur intense et étouffante du sud américain. Le décor est planté. Le spectacle peut commencer.

Marie-Renée Bourget Harvey, la conceptrice du décor, a fait un travail magnifique. Le spectateur est transporté au coeur de la fête, mais peut-on vraiment parler de fête lors de cette soirée orageuse, d'une plantation typique du sud des États-Unis. Le plus beau décor de la saison!

Une bande de mal-aimés
Le spectacle s'ouvre avec l'entrée en salle des comédiens qui quittent le hall pour entrer dans la salle par la même porte que les spectateurs. La comédienne Cynthia Trudel clôt la marche tout en interprétant la chanson Summertime de sa voix douce et chaleureuse. Le spectateur est véritablement dans le sud. D'ailleurs, Cynthia Trudel bercera à deux autres reprises les spectateurs de sa voix chaude. Un délice à chaque fois.

Comme le mentionnait le comédien Jean-René Moisan dans une courte entrevue sur le web, les personnages de La chatte sur un toit brûlant sont tous mal-aimés. La mère envers Big Daddy, Maggie envers Brick, Big Daddy envers son fils, Gooper envers Big Daddy et Brick envers son meilleur ami. Ce manque d'amour désiré amène les membres de la famille à mentir, se mentir. Les relations sont fausses. L'hypocrisie et le mensonge hantent les vies de chacun. Ils se mentent. Ils se battent les uns avec les autres pour oublier leur mal-être.

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«Quand queuque chose pourrit dans not' mémoire ou not' imagination,
la loi du silence avance à rien.
C'est comme fermer une porte à clef dans une maison en feu
en espérant oublier qu'le feu est pris.
Mais essayer d'oublier l'feu , ça l'éteint pas.
Les choses qu'on dit pas finissent par devenir des montagnes.
Ça grandit, ça s'infecte, ça pourrit...»
Maggie dans La chatte sur un toit brûlant
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Si Maggie est une chatte, Brick est un chien blessé, Big Daddy est un éléphant en route pour le cimetière et le reste de la famille des hyènes pitoyables. Ils sont dans une cage où ils étouffent. Ce qui est bien illustré par l'immense villa au centre de la scène qui s'ouvre dès les premières minutes du spectacle, comme un cage qui s'ouvre pour laisser sortir les bêtes. La cage s'ouvre sur la chambre de Brick et Maggie qui livreront leur premier combat. Ce ne sera pas le dernier.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Des comédiens magnifiques
Jean-René Moisan, dans le rôle de Brick, est absolument parfait. Juste assez froid et dur, tiraillé par des désirs refoulés qu'il n'ose avoués. Sophie Thibeault se tire bien d'affaire mais manque quelque peu de mordant et de sensualité assumée. Elle est une chatte, une combattante prête à tout, une manipulatrice. Il lui manque un petit je-ne-sais-quoi qui la rendrait plus nuancée dans ses tentatives de reconquête de cet homme qu'elle aime profondément.

Patric Saucier, est extraordinaire dans le rôle de Big Daddy. La scène, qui clôt le deuxième acte, avec Brick est superbe. Saucier et Moisan se donnent magnifiquement la réplique. L'émotion est palpable. Le spectateur a la chair de poule pour un bon moment. Marie-Ginette Guay interprète avec justesse la mère éplorée et dépassée par les événements.

Envoûtant
Envoûtant spectacle que cette Chatte sur un toit brûlant que nous offre la Bordée en cette fin de saison. Un soir d'orage familial qui prend aux tripes, qui secoue. Autodestructions et pulsions de vie enrobées d'une dose d'humour grinçant dans une brillante mise en scène ne laisseront pas le spectateur sur sa faim. À voir avant que l'orage ne s'arrête le 9 mai.

À la Bordée jusqu'au 9 mai. Avec Vincent Champoux, Marie-Ginette Guay, Valérie Laroche, Jean-Nicolas Marquis, Jean-René Moisan, Michel Nadeau, Patric Saucier, Sophie Thibeault et Cynthia Trudel. Un texte de Tennessee Williams dans une traduction de René Dionne. Une mise en scène de Maxime Robin.

Bon théâtre et bonne danse !

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