mercredi 22 février 2017

Far Away: étrange objet théâtral

Une pièce à la symbolique forte mais chargée. Une pièce qui ne plaira pas à tout les publics mais une pièce qui questionne notre monde. Celui de demain. Celui d'aujourd'hui également.

Une critique de Robert Boisclair


Joan (Noémie O'Farrell), une petite fille, se réveille. Elle traîne dans la nuit noire, observe et voit des choses qu'elle n'aurait pas dû voir. Elle entend des choses qu'elle n'aurait pas dû entendre. Elle a vu du sang, un enfant se faire battre. Sa tante essaie tant qu'elle le peut de la réconforter... sans vraiment y réussir.

Saut dans le temps: Joan est chapelière. Elle discute avec un compagnon de travail de choses et d'autres. Les créations y sont extravagantes. Le défilé de mode des chapeaux qui clôt cette deuxième scène est tout aussi extravagant.

Dans la troisième scène, le monde est en mutation complète. Les animaux participent aux conflits humains. Les éléphants appuient les Hollandais. Les crocodiles sont de véritables menaces. La Grande-Bretagne est toujours en danger.

Hors toute catégorie
Peter Brook, qui a déjà monté la pièce en France il y a plusieurs années, ouvrait son mot de metteur en scène par ceci: « Far Away, est hors toute catégorie ». Et c’est ce que c'est! Une représentation du chaos contemporain décrit d'une manière qui déroute. Avec des mots et des situations de tous les jours. Comme si rien ne se passait vraiment mais que le mal régnait.

La symbolique y est omniprésente. Tout est en sous-entendu. Là. Bien présent. Mais difficile à décoder. C'est une sorte de cauchemar surréaliste où les paroles et les actes humains semblent se dissoudre dans un immense magma qui emporte tout. Un enfer aux airs de monde ordinaire. Un monde pas si lointain malgré ce que le titre suggère.

La mise en scène d'Édith Patenaude surfe merveilleusement bien sur ce thème. Elle est sombre, dans le noir et le clair obscur. Les gestes, les mots sont normaux, ce sont ceux du quotidien mais ils sont baignés d'une aura infernale latente. Bien présente, mais cachée comme en sous-texte. Les gestes sont posés. Les mots récités lentement. Tout est métaphore. L'espace est utilisé au minimum. Comme un étau qui enserre. Comme un avenir restreint. Fermé. Limité.

Far Away est une pièce qui ne plaira pas à tout les publics. Une pièce qui s'attaque directement, même si elle a été écrite il y a plus de 15 ans, à notre monde d'aujourd'hui. Qui le questionne. L'inquisitionne.

Le théâtre est, entre autre, pour Caryl Churchill « l’expression des données historiques et sociales qui constituent les enveloppes essentielles des mythes ». Cette dimension est bien présente dans ce spectacle.

À l'affiche du Musée national des beaux-arts du Québec jusqu'au 4 mars. Avec Ludger Beaulieu, Lise Castonguay et Noémie O'Farrell. Une mise en scène d'Édith Patenaude. Un texte de Caryl Churchill dans une traduction de Marie-Hélène Estienne.

Bon théâtre et bonne danse !

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