jeudi 14 septembre 2017

Bienveillance: besoin d'amour

C'est Marie-Hélène Gendreau qui le dit elle-même dans son mot de la metteuse en scène: «Bienveillance déborde d'amour». Et elle a tout à fait raison. L'amour, le vrai, le sincère et, surtout, le dissimulé et l'inavoué, est bien présent dans cette pièce. Retour sur un immense câlin à la vie et à l'humain.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: David Cannon
Bienveillance raconte la réunion de deux amis d'enfance. Gilles Jean (Emmanuel Bédard) est un riche avocat de Montréal alors que Bruno (Eliot Laprise) est resté à Bienveillance, petit village qui les a vus grandir, et où Bruno s'est marié. L'enfant du couple a eu un terrible accident et l'ambulance a mis beaucoup de temps à se rendre sur les lieux plongeant l'enfant dans un coma. Bruno et sa femme ont entamé des poursuites contre la compagnie chargée de la répartition des appels. Gilles est le défenseur assigné par la firme d'avocat de la compagnie en question. Un contexte troublant qui oblige un face à face entre les deux hommes dans leur village natal.

Besoin d'amour
Gilles Jean, superbement interprété par Emmanuel Bédard, est un être qui a terriblement besoin d'amour. Celui de sa mère, de cet amoureux qu'il a laissé filer il y a plusieurs années, de cet ami, Bruno, qu'il n'a plus vu depuis des lunes, de ce père qu'il n'a jamais connu mais qui lui revient en rêve. Mais il ne sait pas recevoir cet amour, encore moins l'accepter. C'est un véritable drame pour lui. Il est terriblement seul malgré la réussite.

Elle est bien facile cette réussite car Gilles Jean prend le chemin le moins exigeant. Une réplique de Gilles Jean, qui ouvre et ferme le spectacle, démontre bien cette réussite factice. Celle qui emprunte le chemin le plus facile et qui l'empêche de prendre celui qui le comblera de bonheur.

Entre la bonté et moi, il y a une autoroute de campagne devant un verger.

Face à cette difficulté, il choisit la facilité. Je vous laisse le soin de le découvrir par vous-même lorsque vous verrez le spectacle.

Bruno est en quelque sorte son opposé. Il est la bonté sur quatre pattes. Il embrasse chaque moment et savoure l'amour de ceux qui l'entourent. Il a une amitié sincère pour Gilles Jean. Il l'aime de tout son coeur même s'il accepte mal qu'il soit l'avocat assigné à la défense de la compagnie chargée de la répartition des appels.

Cette amitié, doublée de ce geste que Bruno considère comme une trahison, amène les deux amis à s'affronter dans une magnifique scène où un Eliot Laprise, qui interprète un solide Bruno, déverse son fiel face à un Gilles Jean (Emmanuel Bédard) estomaqué et sans mots.

J'adore les dilemmes et les doutes. J'aime que mes personnages
soient aux prises avec un choix qui aura un impact sur les évènements à venir,
mais aussi sur la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes.
Fanny Britt

Magnifique mise en scène
Marie-Hélène Gendreau a su insuffler à sa mise en scène tout l'amour et toute la solitude que vit Gilles Jean et que la force du texte laisse supposer. La scène est dépouillée et simplement peuplée d'un amoncellement de roches qui forment une montagne inatteignable (mais le restera-t-elle?) pour Gilles Jean.

Les magnifiques éclairages plongent la scène dans une semi-pénombre augmentant la terrible solitude de cet homme qui se cherche et, sans doute, espère trouver des réponses dans ce lieu qui l'a vu grandir. Outre les performances d'Emmanuel Bédard et d'Eliot Laprise soulignons la magnifique maman interprétée par Lorraine Côté.

Les scènes d'ouverture et de fermeture sont d'une tendresse et d'un amour infinis. Elles sont faites de petites touches, de délicats moments, de petits gestes qui marquent l'esprit. Deux magnifiques instants qui, à eux seuls, valent le déplacement même si la finale s'étire quelque peu.

À voir
Malgré les souffrances et les douleurs, nombreuses, des personnages, ce spectacle offre des moments d'humour qui allège l'ambiance. Bien qu'il y ait quelques longueurs et une finale qui s'étire quelque peu, Bienveillance est un spectacle qu'il faut voir. Allez-y surtout si vous aimez les questionnements sur notre humanité.

À La Bordée jusqu'au 7 octobre. Avec Emmanuel Bédard, Lorraine Côté, Nadia Girard Eddahia, Eliot Laprise et Éric Leblanc. Une mise en scène de Marie-Hélène Gendreau. Un texte de Fanny Britt.

Vous voulez en savoir plus? Écoutez notre interview avec Marie-Hélène Gendreau et Emmanuel Bédard ici (vers 18h 10 de l'émission du 4 septembre).

Bon théâtre et bonne danse!

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